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Le Code de procédure civile suisse révisé

Secret professionnel étendu aux juristes d’entreprise

Etat des lieux avec Anthony Braham

Une réforme majeure du Code de procédure civile suisse

Depuis le 1er janvier 2025, une révision du Code de procédure civile (CPC) accorde aux juristes d’entreprise le même niveau de protection du secret professionnel que les avocats externes. Une avancée alignée avec les standards internationaux et attendue par le monde juridique suisse.

Le secret professionnel des avocats en Suisse

Définition et portée

En Suisse, les avocats sont tenus à une stricte confidentialité concernant leurs échanges avec les clients. Ce secret couvre tous les supports et est protégé par des sanctions civiles, pénales et professionnelles en cas de manquement.

Droit de refuser de témoigner

Les avocats peuvent refuser de témoigner ou de produire des documents couverts par ce secret professionnel devant les tribunaux.

Pourquoi les juristes d’entreprise n’étaient pas concernés

Les avocats suisses doivent être inscrits au registre cantonal pour exercer. En intégrant une entreprise, ils doivent quitter le barreau, perdant ainsi les protections associées. Contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, où les avocats internes conservent ce droit, la Suisse faisait figure d’exception.

Comparaison avec d’autres juridictions

Dans les pays de common law comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, le secret s’applique à tous les avocats. Dans les pays de droit civil (France, Belgique, Allemagne…), les protections existent mais varient selon les conditions d’exercice.

Les enjeux pour les entreprises suisses

Sans protection du secret pour les juristes d’entreprise, les sociétés suisses étaient exposées dans les litiges transfrontaliers, notamment face aux exigences de la discovery américaine. Cela les plaçait en position désavantageuse par rapport à leurs homologues étrangers.

Article 167a CPC : nouvelles conditions de protection

Critères à respecter

Le nouvel article 167a permet à une entreprise de refuser la production de documents si :

  • Elle est enregistrée au registre du commerce suisse ou équivalent étranger ;
  • Le responsable juridique possède un brevet d’avocat cantonal ou l’équivalent étranger ;
  • L’activité est assimilable à une mission typique d’avocat.

Protection élargie mais limitée

La protection s’étend aux non-avocats du service juridique, si celui-ci est dirigé par un avocat. Toutefois, seules les tâches purement juridiques sont protégées — les activités politiques, sociales ou commerciales ne le sont pas.

Cas limites et interprétations possibles

Des débats sont attendus, notamment dans le cas d’enquêtes de conformité internes. L’organisation hiérarchique pourrait influencer l’évaluation juridique du caractère confidentiel ou non des échanges.

Enjeux d’application internationale

Bien que l’introduction de l’article 167a soit une étape positive, son applicabilité dans des contextes internationaux, en particulier dans les litiges américains, reste un sujet de débat. Les règles relatives à la preuve et à la divulgation dans les tribunaux fédéraux et d’État des États-Unis diffèrent considérablement de celles de la Suisse. Toutefois, les tribunaux américains peuvent reconnaître le « brevet » suisse (autorisation d’exercer) comme équivalent à la licence d’un avocat américain, étendant ainsi le secret professionnel aux « juristes » travaillant sous la supervision d’un « avocat breveté » par analogie avec « l’agent ou le subordonné » d’un avocat américain.

Conclusion

Cette révision représente une avancée longtemps attendue dans la protection des communications des juristes d’entreprise en Suisse. Bien que l’application pratique de l’article 167a dépende de l’interprétation judiciaire et de la jurisprudence, il s’agit d’un développement crucial pour les entreprises suisses, leur offrant une protection indispensable dans un environnement juridique de plus en plus mondialisé.