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L’absentéisme chronique

L’absentéisme chronique, état des lieux avec Céline Lelièvre

Quelle est la protection du salarié en incapacité sur une longue période ? Quels sont alors les droits et les obligations de l’employeur ? A condition que les obligations d’information à charge du salarié soient respectées, y compris pendant les prolongations de la maladie, l’employeur n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail pendant une période de 26 semaines à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail, le salarié étant protégé, pendant cette période de 26 semaines.

En premier lieu, il importe de relever que la protection contre le licenciement est fixée pour une période de 26 semaines et que toute interruption de ce délai, que ce soit par un retour à l’activité professionnelle ou un congé de récréation, fait courrier une nouvelle période de protection de 26 semaines. Pour autant, le dépassement de ce seuil de 26 semaines n’autorise, pas de facto, l’employeur à mettre un terme à la relation de travail. Dès lors, que faire lorsqu’un salarié est en incapacité sans interruption pendant une période dépassant ce seuil de 26 semaines ?

La Cour d’appel de Luxembourg, dans une décision du 13 février 2025[1], vient de rappeler le cadre applicable aux cas d’absentéisme chronique.

Dans cette affaire, un salarié avait été absent sans interruption, pour cause de maladie, pendant six mois. Le salarié, toujours en incapacité alors que la période de 26 semaines qui lui conférait une protection légale contre le licenciement était expirée, avait fait l’objet d’un licenciement avec préavis.

Le salarié avait alors contesté le licenciement intervenu au motif que ses absences étaient dues à une « épuisement psychique professionnel », qu’il se serait plaint à de nombreuses reprises de l’aggravation de ses conditions de travail et que son supérieur hiérarchique avait connaissance de la situation. En outre, le salarié exposait que les absences répétées et prolongées sur six mois avaient été intégralement couvertes par des certificats médicaux, établis en bonne et due forme et délivrés par un psychiatre, en raison d’un burn-out, causé par le stress excessif qui lui était imposé par son ancien employeur, de sorte que son incapacité était en lien causal direct avec l’exécution de son contrat de travail. De son côté, l’employeur avait fait valoir que cette absence prolongée avait nui au bon fonctionnement de l’entreprise.

La Cour a alors rappelé que l’absentéisme chronique était considéré comme un motif légitime de licenciement avec préavis, dès lors que les absences invoquées par l’employeur avaient porté préjudice au bon fonctionnement de l’entreprise et que l’employeur ne disposait pas d’informations fiables lui permettant de présumer qu’il pourra à l’avenir compter sur la présence et la disponibilité de son salarié. La Cour a encore exposé qu’une absence chronique de six mois dépassait le seuil des risques normaux que l’employeur devait assumer, avant de préciser qu’en vertu d’une jurisprudence constante, il y avait lieu de présumer qu’une absence continue de six mois portait atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise concernée.

Pour la Cour, cette présomption s’applique quelle que soit la cause des absences, à moins que celles-ci ne soient la conséquence directe d’un accident du travail subi dans l’entreprise ou d’une maladie qu’il aurait contractée auprès de cette dernière en raison de son travail. Il existe donc une limite à cette présomption : l’employeur ne peut licencier un salarié pour absentéisme chronique si c’est l’exécution du contrat de travail qui est la cause de l’incapacité.  Mais il appartient alors au salarié, qui conteste son licenciement, d’apporter la preuve que sa maladie chronique, qui a duré plus de 26 semaines, est la conséquence directe d’un accident du travail ou d’une maladie dite professionnelle et de démontrer le lien de causalité entre son incapacité et l’exécution de son contrat de travail.

En l’espèce, la Cour, reprenant l’analyse des premiers juges a retenu que la simple circonstance que les certificats d’incapacité de travail aient été établis par un médecin spécialiste en psychiatrie n’étaient pas de nature à établir un lien de causalité entre l’origine de l’incapacité du salarié et son activité professionnelle, une telle affection psychiatrique pouvant avoir de multiples causes personnelles, familiales ou sociales, étrangères aux conditions de travail du salarié licencié.

Il convient de relever que dans cette affaire, l’employeur avait contesté tout lien entre l’absence prolongée et les conditions de travail du salarié, démontrant que le salarié s’en était « toujours strictement tenu aux horaires de travail contractuellement prévus » et n’avait presté que « très rarement » des heures supplémentaires.

Alors que le salarié n’a pu établir de lien direct entre la cause de son absentéisme et l’exécution de son contrat de travail, la Cour a retenu que son absence continue était présumée porter atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise et que le fait que, pendant cette période prolongée d’absence, l’employeur n’ait pas disposé d’informations fiables qui auraient pu lui permettre de présumer qu’il aurait pu, à un moment ou à un autre, compter dorénavant sur la présence et la disponibilité de son salarié, avait encore appuyé ladite présomption.

Le licenciement prononcé a donc été déclaré valable.

[1] Arrêt n°19/25 – III- TRAV – numéro de rôle CAL-2023-00600